La confiance en entreprise

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Par Catherine Whitehead, M.Sc., conseillère en développement organisationnel chez BonBoss

Une culture basée sur la confiance

Qu’est-ce qu’une entreprise humainement prospère? En somme, ce sont les organisations qui misent sur une gestion humaine, ce qui leur permet de prospérer et d’évoluer. Les entreprises qui prospèrent en 2022 sont celles où la confiance est élevée. Les employés font confiance aux gestionnaires, à l’organisation et à leurs collègues, et cette confiance est réciproque.

La confiance mutuelle représente un ressenti, un sentiment, et se développe avec le temps. Aujourd’hui, les organisations doivent inclure la confiance dans leur gestion et développer une culture qui est basée sur la confiance. La culture organisationnelle peut se définir ainsi :  un ensemble de valeurs ou de normes partagées par des individus et des groupes au sein d’une organisation qui guide le comportement. Ces valeurs et normes définissent la manière dont les individus interagissent entre eux et auprès des parties prenantes de l’entreprise. Ainsi, en basant votre culture sur la confiance, vous contribuez à améliorer la qualité des relations et à renforcer le bien-être des employés. Lorsque les bonnes conditions sont regroupées, vous pouvez même avoir des employés mobilisés.

Pour développer la confiance, les théories et modèles de management parlent beaucoup de réciprocité. Cette approche propose de démontrer aux employés qu’on leur fait confiance, et ceux-ci feront confiance en retour. Bien vraie, cette approche a été démontrée à maintes reprises.

Le développement de la confiance

Règle générale, toute relation de confiance débute par une vulnérabilité, une prise de risque d’une des deux parties. Notamment, en donnant de l’autonomie à l’employé, le gestionnaire se met à risque. Il risque de ne pas voir le résultat attendu ou de voir des retards dans les livrables, par exemple. Si l’employé livre les résultats attendus, la confiance est confirmée. Face à ce gage de confiance, l’employé se sent souvent incité à faire confiance à son gestionnaire en retour.

Voilà, très vulgarisée, l’explication de la confiance. Le même principe s’applique aux collègues, ou à n’importe quelle relation de confiance de la vie de tous les jours. Vous n’avez qu’à changer les paramètres. C’est dans cette optique que plusieurs modèles accordent une importance si particulière aux relations proximales en entreprise. De plus, certaines dispositions favorisent le développement de confiance : l’authenticité, l’empathie, la logique, la fiabilité… pour en nommer quelques-uns. Puis, avec des pratiques organisationnelles favorables au bien-être des employés, la confiance envers l’organisation tend à augmenter.

Les difficultés dans la confiance au travail

Dans certaines situations, malgré les efforts, le niveau de confiance des employés envers l’organisation n’est pas optimal. La réputation de l’organisation ou les erreurs passées peuvent mener à ce que les employés ne soient pas totalement engagés envers leur équipe ou l’organisation. En effet, la culture est constituée du passé, du présent et du futur de l’ensemble du système. Les actions et résultats du passé, la situation présente et les aspirations du futur telles que comprises par les membres viennent teinter la culture, et donc, le niveau de confiance.

Puis, les employés peuvent manquer d’expérience, commettre des erreurs. Ces considérations peuvent rendre le développement de confiance difficile. En effet, il peut être délicat pour un gestionnaire de donner de l’autonomie et de la latitude à des employés qui n’ont pas encore démontré leurs compétences et leur intégrité. Après tout, celui-ci a généralement la responsabilité de veiller à l’atteinte des objectifs.

Comment résoudre ce cycle problématique ? Si la relation de confiance doit partir du gestionnaire, mais que celui-ci ne témoigne pas de gestes de confiance, il risque de se retrouver avec des employés qui ne lui font pas confiance non plus. Ce qui, en retour, influence négativement les actions positives que les employés pourraient poser. Dans des contextes de méfiance, on peut même retrouver du sabotage. Dans ces cas, il est difficile pour l’entreprise d’avoir confiance en ses employés. Encore plus difficile d’avoir une culture saine basée sur la confiance.

Les premiers pas vers la confiance

Pour améliorer le sentiment de confiance envers votre organisation, commencez par montrer l’exemple. Si vous êtes membre de la haute direction, n’allez pas penser que tout se passe dans les grandes décisions managériales. Plutôt, incarnez la mission, la vision et les valeurs avec intégrité. Un truc pratique ? Agissez toujours avec bienveillance et respect. Vous pouvez même demander à vos collègues et employés si votre comportement est toujours respectueux et si vous agissez toujours en considérant les autres. En ayant le courage de poser une telle question, vous pourriez être surpris des petits gestes quotidiens que vous pouvez améliorer pour faire une grande différence. En commençant par augmenter le niveau de confiance à votre égard.

Vous êtes gestionnaire de premier niveau ou intermédiaire ? Tant mieux ! Vous pouvez influencer significativement la confiance, par votre proximité avec les employés. Vous êtes le pont entre les employés et la haute direction. Et vos employés connaissent les réalités des opérations. Faites-leur confiance et n’hésitez pas à considérer leurs idées. Lorsqu’il le faut, adressez leurs enjeux. En voyant que vous vous préoccupez d’eux, leur confiance envers vous sera renforcée. N’hésitez pas à leur demander leur avis et leur demander de l’aide lorsque vous êtes dans le doute. En démontrant ainsi de la vulnérabilité, vous contribuerez à développer la confiance entre vous et vos employés.  Mais surtout, agissez toujours avec respect et considération.

Au niveau organisationnel, voici un modèle qui peut orienter vers un style de gestion qui favorise la confiance. Offrez un environnement de travail qui permet de remplir les trois besoins psychologiques fondamentaux : autonomie, compétence, et affiliation. Entre autres, commencez à inclure la gestion par les forces dans votre approche managériale. Tout individu possède des forces et des talents. En les ciblant et les exploitant, vous contribuerez à énergiser vos employés et augmenter leur motivation. Vous réduisez les risques d’erreurs et, ultimement, serez en mesure de donner davantage d’autonomie et augmenterez leur sentiment de compétence. En résultat, vous risquez également de faire davantage confiance à vos employés, et cette confiance sera éventuellement réciproque.

Pour terminer, rappelez-vous que la confiance et la justice sont intimement liées. Une simple perception d’injustice, qu’elle soit fondée ou non, endommage la confiance. Vous risquez ensuite de tomber dans la méfiance. La clé est, bien souvent, la communication authentique.  

Références:

Costa, A. C., Fulmer, C. A., & Anderson, N. R. (2018). Trust in work teams: An integrative review, multilevel model, and future directions. Journal of Organizational Behavior39(2), 169-184.

Whitehead, C. (2020). L’influence de l’incivilité sur l’efficacité des équipes de travail: le rôle médiateur de la confiance interpersonnelle (Doctoral dissertation, HEC Montréal).

Schein, E. H., & Schein, P. A. (2019). The corporate culture survival guide. John Wiley & Sons.

Jacques Forest. (2013, 7 janvier). La gestion par les forces. Carrefour RH. Consulté le 23 juin 2022, à l’adresse https://carrefourrh.org/ressources/developpement-competences-releve/2013/01/la-gestion-par-les-forces

Zak, P. J. (2017). The neuroscience of trust. Harvard business review, 95(1), 84-90.

Qu’est-ce qu’est l’incivilité au travail?

Auteure: Catherine Whitehead, M.Sc.

Lorsqu’on parle de respect dans les relations professionnelles, on ne peut pas passer à côté de l’incivilité au travail. Qu’est-ce que ça veut dire exactement, l’incivilité au travail? Concrètement, il s’agit de comportements négatifs au travail.  Les comportements négatifs au travail peuvent aussi faire référence à des comportements contreproductifs, du harcèlement, de l’intimidation, de l’agression, de la violence, etc.

En comparaison à ces comportements, l’incivilité au travail a la particularité d’être plus faible en intensité. De plus, l’intention de la personne qui émet le comportement n’est pas claire. Par exemple, se faire ignorer est, en général, moins grave que de se faire insulter. Également, quand on se fait ignorer, on peut tout de même se demander si la personne ne nous a simplement pas vu. Quand on se fait insulter, en général l’intention de l’autre est assez claire.

Quelques exemples d'incivilité au travail

En bref, quand on parle d’incivilité, on fait souvent référence à de l’impolitesse. Voici quelques exemples classiques :

– Couper la parole à ses collègues

– Ignorer ou éviter un collègue

– Utiliser un jargon professionnel qui exclut certaines personnes

– Délaisser les tâches ingrates

– Passer des commentaires condescendants

– Répondre à des appels pendant une réunion

Ces comportements peuvent sembler anodins. Toutefois, pensez-y un peu. Face à de tels comportements, il est difficile savoir si le comportement est dirigé contre soi, ou si le comportement est dû à une cause autre.

Par exemple, votre collègue se lève pour répondre à un appel alors que vous prenez la parole lors d’une réunion. A-t-il une urgence à régler? Ou bien, n’est-il simplement pas intéressé par la discussion? C’est ce qui rend l’incivilité au travail aussi vicieuse : ce ne sont bien souvent pas des gestes dignes de mention. Toutefois, pour la personne qui subit de l’incivilité au travail, les conséquences peuvent être plus grandes qu’on ne le pense. D’autant plus, les patrons n’en font souvent pas de cas et laissent aller ces comportements. Pire, parfois ce sont eux qui agissent de manière incivile. Au bout d’un certain temps, ces comportements deviennent la norme dans l’entreprise.

Le lien avec le milieu de travail

La perception d’incivilité au travail est liée au non-respect des normes organisationnelles sur le respect. Ainsi, pour qu’un comportement soit considéré incivil, il doit être comparé aux normes du milieu de travail donné. En d’autres mots, un comportement peut être perçu comme de l’incivilité au travail dans une entreprise, mais pas dans une autre.

Reprenons l’exemple présenté plus tôt, où un collègue prend un appel lors d’une réunion. Il est possible que les normes d’une organisation fassent en sorte que ce comportement est bien perçu. Par exemple, la dynamique d’équipe peut faire en sorte que les réunions sont plutôt informelles. Puis, il peut être accepté dans l’équipe que le service à la clientèle est la priorité. Ainsi, dans ce contexte spécifique, le fait de répondre à un appel durant une réunion n’est pas considéré comme de l’incivilité au travail. Plutôt, le geste peut carrément être une pratique encouragée par l’équipe pour atteindre ses objectifs.

Bien évidemment, certaines pratiques organisationnelles peuvent être mises en place pour que ces comportements ne soient pas considérés comme un manque de respect. En général, il convient de définir et de communiquer clairement les attentes en termes de comportement. Ceci permet d’éviter que certains comportements soient perçus comme de l’incivilité au travail.

Toutefois, en entreprise, la réalité est beaucoup plus complexe. Certaines entreprises n’ont pas de frontières clairement définies quant au comportement adéquat à adopter. Notamment, les normes et les attentes peuvent varier entre les départements et les équipes. Lorsque ceci se produit, il est difficile pour les employés de suivre une ligne directrice de comportement adéquat à adopter entre eux.

L’impact de l’incivilité au travail

De nombreuses études ont été réalisées au cours des dernières décennies pour démontrer les conséquences de l’incivilité au travail. En 2013, Porath et Pearson  rapportaient, à la suite d’une étude nord-américaine, que 98% des participants affirmaient avoir déjà vécu de l’incivilité dans un contexte professionnel. L’incivilité au travail est donc très répandue dans les organisations. Pourquoi est-ce important? Parce que les impacts sur les employés peuvent être nombreux.

De manière générale, l’incivilité au travail est liée à des conséquences psychologiques et à des relations interpersonnelles moins satisfaisantes. Plusieurs liens sont également établis entre l’incivilité au travail et le rendement. Il est assez facile de s’imaginer pourquoi. Par exemple, pendant une session de travail, votre collègue vous ignore ou vous coupe la parole lorsque vous présentez vos idées. Il est fort possible que, pour le reste de la journée, cette situation vous reste en tête.

Mais pourquoi l’incivilité au travail occupe-t-elle le mental? D’un côté, parce qu’elle est ambiguë. Devant de telles situations, nous cherchons souvent à comprendre ce qui s’est passé. D’un autre côté, car nous cherchons à trouver un moyen pour éviter que la situation ne se reproduise. Résultat? Nous avons plus de difficulté à nous concentrer. En d’autres termes, nous avons moins de ressources attentionnelles disponibles. Ceci est épuisant mentalement, et nous sommes plus fatigués à la fin de la journée. En plus, comme nous sommes moins concentrés à la tâche, nous sommes généralement moins productifs.

Un mot de la fin

Cet article se veut être une introduction à l’incivilité au travail. Depuis que je m’intéresse à ce phénomène, j’ai pu constater deux choses. D’abord, peu de gens savent réellement ce qu’est l’incivilité. Pire, encore moins de gens réalisent qu’ils en vivent et que cela les affecte. Ensuite, même lorsque l’incivilité au travail est connue, bien souvent, elle n’est pas prise au sérieux. Pourtant, adresser l’incivilité peut s’avérer une stratégie puissante pour prévenir d’autres problèmes en milieu organisationnel. Ça vous intéresse? Restez à l’affut de mes prochains articles pour en apprendre davantage.

Vous cherchez des solutions en lien avec l’incivilité en milieu de travail? Contactez-nous ou visitez notre page sur le sujet!

 

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Pourquoi tout gestionnaire devrait lire Henry Mintzberg?

Certaines personnes influencent le cours de l’histoire, d’autres nous font avancer comme individu ou encore comme société. L’auteur et professeur Henry Mintzberg a certainement inspiré, à lui seul, des certaines, voire des milliers de gestionnaires d’ici et d’ailleurs. Du haut de ses 79 ans de sagesse et de liberté de parole, l’influent penseur Mintzberg a produit plus de 20 ouvrages et 150 articles au cours de sa prolifique carrière. C’est dans le cadre du lancement de son tout dernier ouvrage – Bedtime Stories for Managers – que j’ai eu l’occasion de le rencontrer. Voici pourquoi je peux affirmer que chaque gestionnaire ou aspirant leader devrait lire Henry Mintzberg au minimum une fois dans sa vie.

Mintzberg pour les gestionnaires et les entrepreneurs

Si vous occupez les fonctions de gestionnaire ou vous êtes entrepreneur, Dr Mintzberg saura orienter vos réflexions et clarifier votre rôle de gestionnaire grâce à ses études et sa capacité à expliquer simplement ce qui paraît complexe. Vous pouvez lire cet article paru en avril 1990 dans Harvard Business Review où Mintzberg compare le folklore autour des rôles d’un gestionnaire  et les faits. Aujourd’hui encore, cet article est cité à travers le monde et s’illustre comme l’un des plus populaires de la célèbre revue scientifique. En 2003, ce théoricien coécrit cet article avec Jonathan Gosling afin d’illustrer les cinq modes de pensées des gestionnaires en matière de gestion du changement, des relations, du contexte, des organisations et de soi. Quel que soit votre parcours ou votre expérience de gestionnaire, vous ne resterez pas indifférent à ses propos.

Mintzberg pour les futurs gestionnaires

Si vous êtes un aspirant gestionnaire, la lecture des écrits de Mintzberg enrichira vos connaissances sur le leadership, les rôles du gestionnaire et les pratiques quotidiennes qui influencent la gestion, l’entreprise ainsi que les relations avec les employés. Vous pouvez d’ailleurs lire cet ouvrage fort intéressant dans lequel Mintzberg répond à la question : comment travaillent les managers? Au fil de votre lecture, vous découvrirez les 10 rôles essentiels des managers établis à partir d’une étude réalisée auprès de nombreux gestionnaires de divers niveaux.

En 2004, Mintzberg fait sensation, et non l’unanimité, avec son livre Des managers, des vrais. Pas des MBA! dans lequel il explique les conclusions de son enquête dans le monde des dirigeants, du management et de certains enseignements. À sa lecture, vous pourrez comprendre pourquoi plusieurs gestionnaires sans MBA réussissent. Comme il l’écrit avec justesse:

« Manager, ce n’est pas une profession, mais une pratique. Une pratique qui ne fonctionne bien que si elle s’appuie sur l’expérience. »

Mintzberg : penser autrement pour gérer correctement

 

Lorsqu’on défile les titres des ouvrages de Mintzberg et qu’on s’attarde à ses mots, on remarque quelques constances : sa capacité à vulgariser ce qui semble complexe pour plusieurs, sa compréhension unique du management, la puissance de ses études et ses écrits et son authenticité qui se traduit par le désir de faire comprendre et non de plaire.

C’est d’ailleurs ce que j’ai reconnu lors de ma rencontre avec Dr Mintzberg. Il s’agit d’un homme généreux de son savoir, qui maîtrise le champ de connaissances autour du management et qui vulgarise les thèmes complexes à l’aide de métaphores simples.

« Trop souvent, nous regardons l’entreprise comme le boucher regarde un boeuf : ici, les TI (le faux-filet); là, la comptabilité (le rumsteck); etc. Mais un boeuf, ça n’a jamais été l’addition de bouts de viande, c’est beaucoup plus que ça, c’est un être vivant. Mieux encore, c’est un être sacré. Pensez à la vache, qui est vénérée en Inde : personne ne la bat, au contraire; chacun est à son service. L’avenir n’est plus aux leaders héroïques, mais aux serviteurs de vaches sacrées. »

En moins de 5 minutes, Monsieur Mintzberg a changé définitivement ma vision d’une organisation grâce à cette image forte.  Comme le disait Albert Einstein :

« Si vous ne pouvez pas expliquer quelque chose simplement, c’est que vous ne l’avez pas bien comprise. »

 
Qui est Henry Mintzberg sur le plan académique?
 

Titulaire de la Chaire John Cleghorn en gestion, Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Il enseigne à l’Université McGill depuis 50 ans

L’un des plus influents penseurs du domaine du management

Auteur de quelque 150 articles et de nombreux livres

Officier de l’Ordre du Canada et de l’Ordre national du Québec, détenteur de doctorats honorifiques de quinze universités dans dix pays.

Détenteur d’un doctorat et d’une maîtrise de l’École de gestion Sloan, du Massachusetts Institute of Technology